Pourquoi j'écris

Je sais que ce moment est là. Le moment de grâce. Au départ, je voulais écrire quelque chose de différent : « je sais qu’il n’est pas là à chaque fois ». Mais j’y crois si fort que je pense qu’il se dissimule toujours derrière le fin vernis du possible. Cette putain de seconde d’éternité, que je traque au travers des heures. Non, écrire ne sera jamais « marrant ». Jamais un « passe-temps ». Pardon si je me prends trop au sérieux, mais ce sera toujours beaucoup plus que cela. Oui, j’offre cela comme si j’allais mourir. Non, cela ne me permet pas d’être excusée pour ma médiocrité. Et non, cela n’est pas un prétexte à un manque de travail. Mais pour moi, l’écriture relèvera toujours d’un rapport au sacré. Il s’agit d’une route qu’aucune méthode de coaching, qu’aucun mot rassurant ne m’apprendra jamais à parcourir. J’écris comme d’autres se mettent en transe pour contacter les esprits. Et je recherche cette transe tous les jours, quitte à me brûler les ailes. Et je m’en fous si ça a l’air messianique. Je me fous de ce dont ça peut avoir l’air. Maintenant que je l’ai compris, je suis plus sereine. Je n’ai pas besoin de coller à un modèle. Et encore moins à celui de l’écrivain-artisan que l’on veut nous vendre. Peut-être, sûrement même, que ce n’est pas le cas pour tout le monde. Et ce n’est en aucun cas une dépréciation de ma part. Mais j’avais envie de dire quelque part, d’expliquer, que je n’écris pas comme cela. En plus, je n’écris pas pour vivre dans le sens ou pour l’instant, ce n’est pas ma profession. Pourtant, j’écris pour vivre. Pas pour manger. Juste pour vivre. Je ne peux qu’une fois de plus citer Rainer Maria Rilke*, qui a défini la vocation et qui m’a aidée par ces simples mots à me mettre en face de moi-même et à comprendre ce simple fait : je dois écrire. 

* "Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous commande d'écrire ; examinez si elle déploie ses racines jusqu'au lieu le plus profond de votre coeur; reconnaissez-le face à vous-même : vous faudrait-il mourir s'il vous était interdit d'écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit : dois-je écrire ? Creusez en vous-même vers une réponse profonde. Et si cette réponse devait être affirmative, s'il vous est permis d'aller à la rencontre de cette question sérieuse avec un fort et simple "je dois", alors construisez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'à son heure la plus indifférente, la plus infime, doit se faire signe et témoignage de cette poussée."
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète. 

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