Maloriel

24 octobre 2011.

Le temps passe très vite, mais les choses avancent malgré tout ! Voici ci-dessous le prologue inédit d'un recueil en projet ayant pour thématique centrale la forêt. J'ai déjà écrit deux nouvelles en entier, et trois autres sont en cours. Enjoy !

Prologue

Je me rappelle la toute première histoire. Je l'avais racontée à mes enfants par une froide nuit de novembre. Ils refusaient de dormir, et, ne sachant plus quoi faire, je leur ai fait le récit de l'une de mes aventures en forêt. Après cette histoire, d'autres ont suivi : les enfants adoraient ça, et même leur mère a fini par se prendre au jeu. Les veillées ont rapidement pris de l'ampleur. D'abord, les voisins vinrent écouter les récits familiaux, pour se divertir, sans trop oser participer. Puis, de fil en aiguille, ils se sont mis à raconter leurs propres histoires. De mois en mois, notre maison est devenue le point de convergence des conteurs de toutes sortes. Quand les habitants du village voisin de Tarabesque avaient l’occasion de nous rendre visite, ils prenaient plaisir à conter à leur tour leurs aventures. Il y eut même, une fois, un étranger arrivant des terres lointaines du sud, près de la mer. L’histoire qu’il nous narra est l’une des plus étranges de ce recueil.

Ces histoires ont toutes un point commun : la forêt. Il est aisé de deviner pourquoi : celle-ci nous environne de toute part, et cela depuis des temps si lointains que les documents historiques n'y remontent pas. Dans tout le pays, elle s'étend largement, intouchée. Personne ne l'ose, et aucun dirigeant n'a été encore assez audacieux pour entreprendre un défrichage d'envergure. Nous demeurons dans les endroits les plus clairs, et la forêt, notre voisine, demeure un mystère craint et respecté. Peut-être un jour les choses changeront, et des armées de bûcherons arriveront pour agrandir nos villes et nos champs. Ces contes seront peut-être alors tout ce qui demeurera ; des souvenirs à l'usage de citadins. Mais pour l'heure la forêt reste, omniprésente, et elle alimente notre âme. Elle fait partie de nous.

Nombre de ces histoires sont étranges, beaucoup éveillent la curiosité ou la crainte. La plupart n'a pas été racontée en présence des enfants. Beaucoup de narrateurs sont venus avec des yeux hantés et des mains tremblantes. D'autres récits, plus légers, occupaient le début de la soirée, en présence des enfants ravis. Cependant, il me faut préciser dès à présent que certaines histoires enfantines m'effraient plus que celles des adultes. Il y a dans l'enfance je ne sais quoi de monstrueux et de sauvage.

J’ouvrirai ce recueil avec l’histoire par laquelle tout a commencé, celle que j’ai racontée à mes enfants voici déjà quelques années. Ne voyez pas en ce début une prétention quelconque de la part de l’humble narrateur que je suis, mais seulement une entrée en matière dans le monde bizarre et fabuleux qui persiste par-delà la grisaille de nos habitudes. Cette histoire ne fait que précéder de bien plus troublants événements, avérés par des personnes en qui je place toute ma confiance.

Parfois, je me demande pourtant si nous avons peuplé la forêt de notre imaginaire, ou bien si nous n'avons fait que nous peupler nous-mêmes. Nous avons peut-être rendu des rêves à nos nuits, de la magie à nos existences qui semblaient bien désertes avant la renaissance des contes. J'ai rassemblé ici toutes les histoires dont je me souviens, comme un témoignage, un divertissement, ou un document. Voici ce que nous disons de la forêt, et ce que la forêt nous a dit. Qui a chuchoté à l'oreille de l'autre n'a guère d'importance.

J'invite le lecteur à suivre les déambulations sylvestres de ces voyageurs, et à se perdre avec eux sur des chemins qui tournent sur eux-mêmes et se terminent là où ils commencent. Qu'il suive l'itinéraire périlleux qui ne fait pas que traverser la forêt, mais qui révèle au voyageur ses propres fantômes et démons. Qu'il laisse les enchanteurs l’attirer dans les profondeurs sombres des sous-bois, où continue de résonner l'écho de la voix humaine dans un silence sans âge.