maloriel.fr

Pour ceux qui tomberaient par hasard sur ce blog, sachez que je me trouve désormais ici. C'est mon nouveau site perso/pro, et il sera mis beaucoup plus souvent à jour que ce blog ne l'était, et il est également plus riche question contenu.
Rendez-vous là-bas, donc :)

Journal d'écriture II

Ne serait-ce que pour mon unique lectrice connue :)



02/09/2012

Voilà, je recommence à m'y plonger, à saisir l'atmosphère que je veux rendre. J'ai eu peur pendant le mois d'août de finalement me lasser de mon histoire, et qu'elle devienne un énième récit inachevé. Mais je m'aperçois qu'il y a beaucoup de potentialités, de chemins que peut m'offrir cette histoire. Encore une fois, je ne dois pas manquer d'ambition. Y aller à fond. Parler du diable, de la nuit, de l'univers qui me fascine tant, celui de la religion et du clergé. Aller plus à fond là-dedans. Accomplir ce chemin sprituel avec Zélie, qui découvre au fur et à mesure, du moins dans la deuxième partie, des alternatives au christianisme.

08/09/2012

Je me suis rendue compte que j'évitais le conflit même dans mes écrits. Cette scène que je redoutais, je l'ai écrite, puisant dans mes pires souvenirs. Pour aller au fond des choses, et surtout, dire la vérité.

14/09/2012

L'impression que ce que j'écris, ce qui existe effectivement, ce qui est produit, le texte, n'est qu'un pâle reflet de ce que je voudrais exprimer. Je pense que je dois travailler avec beaucoup d'attention la structure, les transitions, les effets d'échos, d'annonces, les flashbacks. Car tout est dans la finition. La composition est super importante pour produire l'effet escompté, il n'y a pas que les moments d'expression lyrique. C'est difficile. C'est un sacré engagement. Mais il faut s'accrocher. Recommencer, encore et encore. Car pour écrire un roman, c'est tout ou rien. Il faut y aller, ou renoncer. Et comme il n'est pas question de renoncer...

24/09/2012

J'apprends à écrire mon roman en l'écrivant.
Certains personnages semblent mûrir leur rôle dans l'intrigue de leur côté, c'est-à-dire dans mon inconscient, jusqu'à ce qu'ils soient prêts à agir. Ainsi en est-il de Charles Baudelaire.
J'ai abandonné la précipitation, c'est bien. J'équilibre l'urgence.

10/10/2012

J'ai du mal à avancer. Je me demande si tout cela va se résoudre, et surtout comment. Zélie est partie dans un deuxième voyage initiatique, dans le sens inverse, en direction du passé. Et ce n'est pas elle-même qu'elle cherche à découvrir, mais Louise... Mais tout cela est encore très flou et obscur dans ma tête.

Je crois que malgré tout, ce qui bloque souvent, c'est la peur. La peur d'avancer, de risquer d'échouer, de rencontrer un mur. Il faut continuer. Page après page, chapitre après chapitre.
J'en suis au chapitre cinq de la deuxième partie. Retour chez Maryse.

13/10/2012

La deuxième partie est un peu la traversée du désert. Dans ce moment-là, on dépose ses doutes, et ses certitudes. On s'avance nu sous le ciel. On s'attend à tout, tout en n'imaginant absolument rien de ce qui est capable de nous submerger.

25/10/2012

J'en suis à environ 50 000 mots, au bout de cinq mois, soit à peu près 10 000 mots par mois. Ce n'est pas énorme, mais je suis tout de même assez satisfaite. ça fait environ 55 000 caractères par mois, soit une grosse nouvelle par mois, donc oui c'est plutôt pas mal. Stephen King préconise 1 000 mots par jour (et encore c'est au début), ce qui veut dire 10 jours à temps plein par mois, mais seulement 5 en considérant qu'on écrit 2000 mots par jour (mais là ça me semble vraiment énorme). Disons donc que je suis sur une bonne lancée :) Surtout que là on parle de temps strict d'écriture, pour les 10 jours par mois. Il y a aussi pas mal de temps de recherche, de planification, et bien sûr de relecture et corrections. Donc je suis sur la bonne voie, je dois continuer comme ça. Satisfaisant :)
Cela dit c'est une moyenne, là il y a un gros ralentissement au mois d'octobre, il faut que je compense.
En comptant journal intime, traductions, et nouvelles, j'écris vraiment énormément tous les mois. Que de mots !

27/10/2012

En ce moment, j'avance à tâtons, par à-coups. Même si ce n'est que par cinq cent mots. L'histoire se construit tout doucement. Je comprends maintenant à quel point j'ai besoin de patience, que tout ne sera pas grands moments exaltés. J'ai besoin d'y aller pas à pas. De soigner les transitions. De tout soigner. il n'y a pas que des moments bruts. Il y a une histoire qui mène à ces moments. Même si parfois c'est difficile à admettre, tant je voudrais plonger tout de suite dans le moment de grâce, si rare, si précieux, je cherche à le provoquer, à le reproduire, presque tous les soirs. C'est peut-être aussi là la source de mes problèmes d'écriture comme de mes problèmes personnels. Il n'y a pas de moment de grâce tous les soirs. Et toute la bière du monde n'y changera rien. J'essaie juste de soigner le vide. Je suis prête à essayer autre chose. A vivre les autres possibilités. A explorer les infinis du quotidien. Reprendre le dessus. Retrouver l'envie de me perdre dans les histoires, toutes les histoires. Voir ce qui se passe. Accepter le changement, c'est sans doute cela, le grand défi de l'âge adulte. Accepter la nuit, aussi.De toutes les manières possibles. En s'y pliant. En essayant de la goûter. En ne refusant rien.

Je suis tellement impatiente en voulant écrire ce roman. Il y a tant d'étapes à franchir, tant de minuscules étapes à accomplir qui, mises bout à bout, vont produire ce texte, complet, cohérent, abouti. C'est peut-être cela qui est si difficile à accepter, aussi. De passer par le terne, l'abandon, le désamour, la quotidienneté, pour produire quelque chose de pur, qui aura en lui un écho, une touche d'infini et d'absolu. Mais maintenant, je suis prête à le faire.
Maintenant que j'ai compris ça, j'ai l'impression que ça m'intéresse davantage. Je veux dire, le travail d'écriture dans son ensemble, avec tout ce que ça implique. Il me semble y voir plus clair. Tout simplement, mieux comprendre en quoi consiste la tache que je me suis fixée sans avoir aucune idée préalable de ce qu'il faudrait faire pour l'accomplir, et par là-même en faire quelque chose de réel, quelque chose qui existe en dehors de ma tête. Je crois que je tire sur le bon fil. Si je continue à tirer, toute la pelote va se dérouler. Et je n'aurais plus qu'à tisser.

01/11/2012

Je dirais environ entre 4 et 12h d'écriture par semaine, et oui, la fourchette est large. Je manque encore de régularité. Si j'arrive à réduire cette fourchette, j'aurais fait des progrès. On recommence les mesures dès la semaine prochaine !

En creusant, on réussit à faire émerger des choses. Comme une rivière qu'on assèche. Les traits pertinents apparaissent progressivement au sein d'un schéma général.

19/11/2012

Il me semble avancer à coups de hache ces temps-ci, forçant mon chemin dans l'histoire à travers régularité et quantité quotidiennes. Comme je construis mon histoire au fil de l'écriture, je ressens la nécessité de m'arrêter régulièrement, de reconsidérer, de revenir en arrière. Juste un peu, évidemment, sinon ça bloquerait tout le processus d'écriture. Mais je dois sans cesse ressaisir les fils, et m'écarter de l'ensemble pour avoir une vision d'ensemble du motif que je suis en train de tisser;
Je pose des jalons, j'exploite des effets à long terme. je modifie tout au fur et à mesure, selon ce qui se produit. Pour l'instant, la méthode de ne marche pas trop mal.
J'ai si longtemps appréhendé d'écrire ce roman, et voilà qu'il s'écrit. je ne dois pas passer à côté. Pour moi, le plus grand risque, c'est peut-être de l'écrire superficiellement, en voulant aller trop vite. Parce qu'il ne faut pas non plus écrire pour écrire.

23/11/2012

Je comprends autre chose : pour avancer, il ne faut pas seulement que je connaisse bien les personnages individuellement. Il faut que je comprenne comment ils font sens ensemble, comment leurs histoires s'emboîtent les unes dans les autres. Je crois que le personnage est à la base de l'histoire, mais ce sont les relations entre les personnages qui font évoluer l'histoire.

07/01/2013

Vais-je encore devoir tout relire ? Difficile de reprendre après une pause de un mois... Il faut se ressaisir de l'intrigue dans son ensemble, retrouver mes personnages là où je les ai laissés, avec leurs doutes et leurs résolutions. Retrouver la confiance, l'élan, et surtout, le feu sacré...

15/01/2013

Je dois me dépêcher d'écrire la suite, parce que dans l'intervalle de temps qui s'étire, le doute s'insinue. Et je me prends à ne pas aimer mon histoire, ni mes personnages, à trouver mes idées merdiques. Il faut avancer, coûte que coûte. On verra bien ou cela mène. Ce soir est peut-être un bon soir pour écrire mille mots.

Journal d'écriture I

Parce que peut-être certains s'y retrouveront.... Trois mois d'aventure pour mon premier roman (morceaux choisis :)

09/06/2012

Le début de l'histoire est sorti, plutôt vite, avec des débordements et des emportements. Maintenant, je me retrouve avec les pièces de mon puzzle, les éléments que j'ai posé sans savoir ce que j'allais en faire par la suite.

14/06/2012

Très difficile de soutenir un rythme continu. Je trouve ça assez épuisant. Écrire un roman, c'est traverser une mer souvent tourmentée. On se prend de grosses vagues en pleine figure et on change tout à coup de direction. Je découvre que la rédaction donne lieu à bien des surprises, comme si l'histoire était déjà écrite dans mon inconscient et que je la découvrais au fur et à mesure.

Comment faire que l'histoire parle d'elle-même ?
J'ai le sentiment que tout ceci n'est pas assez resserré, emboîté, conduit par une implacable logique, et pourtant c'est ce que je veux. Il faut faire plus de transitions, amener les choses avec plus de douceur. Mais ça n'est qu'un premier jet, dont certains passages ont été écrits très vite, voire précipitamment. Rien d'irrémédiable. Je pense que la vision d'ensemble va m'apparaître plus claire au fur et à mesure que je m'enfonce dans l'histoire.

02/07/2012

Quelques fois tout semble tellement triste. Je me rappelle d'une illustration qu'un ami avait fait de moi. Une petite fille qui traînait un gros sac noir, comme une hotte de Père Noël. Il était censé contenir toute la peine du monde, que mon personnage recueillait pour écrire. Plus de dix ans après, je crois que dans une certaine mesure, c'est toujours vrai.

04/07/2012

La logique implacable dont je parle naît des personnages. De leur nature propre, et de leurs interactions. Tout doit être une conséquence d'autre chose. Rien qui ne soit par hasard. Même l'aléatoire est pris dans cette logique interne. Ce sont les personnages qui déterminent l'histoire, et non l'inverse. Ils sont ce qu'ils sont, et ce qu'ils sont est la raison pour laquelle ils agissent de telle ou telle manière. Je dois bien les connaître pour que leurs réactions s'inscrivent naturellement dans le fil de mon récit, et aient un pouvoir sur le déroulement de ce récit.

05/07/2012

J'ai beaucoup de mal à m'intégrer dans l'instant présent, j'ai toujours l'impression de raconter les choses de loin, et de façon générale. C'est bien pour mettre en scène le cadre, pour faire des ellipses... Mais tout le roman ne doit pas être comme cela. il doit suivre les personnages, jour après jour, dans leur quotidienneté. Dans l'ici et maintenant de leurs vies imaginaires... En somme, trop de discours, encore.

08/07/2012

À travers ce roman, je voudrais avoir l'occasion d'exprimer tout ce qui me fascine dans ce dix-neuvième siècle en pleine ébullition, où le vieux monde achève de mourir, laissant un grand désarroi et une foi aveugle en le progrès.

10/07/2012

Pour moi la fiction doit jaillir d'une pensée mûrement synthétisée, c'est pourquoi elle n'est jamais facile. J'écris toujours avec des idées abstraites, je crois que c'est dans la nature même de ma façon d'écrire. Inutile de lutter contre, donc. Il me faut simplement faire attention à écrire des histoires, et non des traités de philosophie. Mon ambition est que l'histoire philosophe d'elle-même, c'est cela l'obstacle que je dois réussir à surmonter.

11/07/2012

Ce qui fait une histoire, ce n'est pas le nombre et la variété des événements qui y entrent. Tout est dans les détails. Les échanges de regards. J'y reviens, une fois de plus. Les silences.

L'idée, c'est aussi de plonger dans une atmosphère, dans la peinture des états d'esprit, sans que le tout soit dénué de suspense.

26/07/2012

Il y a quelque chose qui me bloque, mais je ne sais pas vraiment ce que c'est. Quelque chose que l'alcool m'aide souvent à débloquer, j'ai l'impression. M'aide à voyager, à libérer un flot sinon obstrué. Du mal à m'immerger, à faire fonctionner la magie. je ne sais pas trop quoi en penser. Je peux écrire sans la transe, mais j'ai aussi besoin de la transe, qui m'aide à mieux voir, en quelque sorte. Éternel problème, je sais qu'il n'est pas que le mien. Je cherche mon chemin. Il faut y arriver de toute façon, quelles que soient les circonstances extérieures. Cela, je le sais.

Et puis comment synthétiser toutes ces informations, quelles pistes suivre, comment formaliser cet ensemble disparate ? Tout, encore une fois, je le crois, doit m'être dicté par les personnages. C'est en eux que réside la solution, ils peuvent me la fournir d'eux-mêmes.

27/07/2012

Allez, il faut faire avancer l'histoire, faire parler et agir les personnages. Les mettre en scène, en conflit, les provoquer, les éprouver.

01/08/2012

J'ai peut-être bien le désir secret de soulever les foules. Je ne pense pas y arriver avec ce roman, et même y arriver tout court. Mais il faut que ce soit, absolument, le mieux que je puisse faire. Avoir de l'ambition. Risquer. Se jeter à l'eau. Faire tomber les masques, et avec eux, les métaphores.

Maintenant, j'ai des bases. Il faut que je travaille à faire monter le paroxysme autour des enjeux esquissés hier dans la partie "plan". Il faut faire monter la tension, nouer serrés les fils. S'acharner sur mes personnages.
Je n'ai pas de limite de temps. L'aventure intérieure n'a pas de limite théorique.

Pourquoi j'écris

Je sais que ce moment est là. Le moment de grâce. Au départ, je voulais écrire quelque chose de différent : « je sais qu’il n’est pas là à chaque fois ». Mais j’y crois si fort que je pense qu’il se dissimule toujours derrière le fin vernis du possible. Cette putain de seconde d’éternité, que je traque au travers des heures. Non, écrire ne sera jamais « marrant ». Jamais un « passe-temps ». Pardon si je me prends trop au sérieux, mais ce sera toujours beaucoup plus que cela. Oui, j’offre cela comme si j’allais mourir. Non, cela ne me permet pas d’être excusée pour ma médiocrité. Et non, cela n’est pas un prétexte à un manque de travail. Mais pour moi, l’écriture relèvera toujours d’un rapport au sacré. Il s’agit d’une route qu’aucune méthode de coaching, qu’aucun mot rassurant ne m’apprendra jamais à parcourir. J’écris comme d’autres se mettent en transe pour contacter les esprits. Et je recherche cette transe tous les jours, quitte à me brûler les ailes. Et je m’en fous si ça a l’air messianique. Je me fous de ce dont ça peut avoir l’air. Maintenant que je l’ai compris, je suis plus sereine. Je n’ai pas besoin de coller à un modèle. Et encore moins à celui de l’écrivain-artisan que l’on veut nous vendre. Peut-être, sûrement même, que ce n’est pas le cas pour tout le monde. Et ce n’est en aucun cas une dépréciation de ma part. Mais j’avais envie de dire quelque part, d’expliquer, que je n’écris pas comme cela. En plus, je n’écris pas pour vivre dans le sens ou pour l’instant, ce n’est pas ma profession. Pourtant, j’écris pour vivre. Pas pour manger. Juste pour vivre. Je ne peux qu’une fois de plus citer Rainer Maria Rilke*, qui a défini la vocation et qui m’a aidée par ces simples mots à me mettre en face de moi-même et à comprendre ce simple fait : je dois écrire. 

* "Rentrez en vous-même. Cherchez la raison qui, au fond, vous commande d'écrire ; examinez si elle déploie ses racines jusqu'au lieu le plus profond de votre coeur; reconnaissez-le face à vous-même : vous faudrait-il mourir s'il vous était interdit d'écrire ? Ceci surtout : demandez-vous à l'heure la plus silencieuse de votre nuit : dois-je écrire ? Creusez en vous-même vers une réponse profonde. Et si cette réponse devait être affirmative, s'il vous est permis d'aller à la rencontre de cette question sérieuse avec un fort et simple "je dois", alors construisez votre vie selon cette nécessité; votre vie, jusqu'à son heure la plus indifférente, la plus infime, doit se faire signe et témoignage de cette poussée."
Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète. 

La folie

I'm coming to an end
I've realised what I could have been
I can't sleep so I take a breath and hide behind my bravest mask
I admit I've lost control
[Anathema, Lost Control]


Wikipédia nous apprend que l'artiste, Podkowinski, aurait lacéré sa propre toile au bout d'une trentaine de jours d'exposition, et qu'elle aurait été restaurée après sa mort, qui survient à l'âge de 29 ans... Évocateur, non ?



J'ai longtemps cru que ce tableau s'appelait "La jeune fille chevauchant la folie", mais je l'ai retrouvé sous le titre de "La Folie". Je l'avais acheté en carte postale lors d'une expo au Musée des Beaux-arts de Rennes sur la peinture symbolique polonaise (et non, je ne lis pas Télérama).
J'aime beaucoup cette image. Je crois que c'est celle qui me représente le plus. Ce cheval écumant créé dans les volutes de ténèbres, emportant cette jeune fille apparemment endormie qui s'accroche à lui presque affectueusement. La jeune fille chevauchant la folie, c'est un bon titre.

[La phrase du jour]


"La seule chose insupportable, c'est que rien n'est insupportable."

Désolée, je n'ai pas trouvé mieux que la VF.

[Les écritures du vide] Le roman


Je découvre avec une sincère surprise que ce qui me bloquait, ça n’était pas que je n’avais rien à dire. Ça me semble évident au bout de trois heures d’écriture : j’ai plein de choses à dire. J’étais tellement effrayée avant de commencer ce roman. Je m’en sentais incapable. Et puis j’ai commencé, sans déclic particulier. J’ai eu une idée, je me suis dit que c’était la bonne. J’ai écrit les premières lignes en suivant mon instinct. Et tout le reste a suivi, me réservant de multiples surprises. Je ne croyais pas si bien dire quand je déclarais que l’essentiel du travail était assuré par mon inconscient, et qu’il finirait tôt ou tard par s’exprimer.

J’ai l’impression que commencer ce livre débloque quelque chose de fondamental, comme s’il ouvrait la porte à tous les livres possibles qui mijotent dans ma tête. En fait, l’écrire est une véritable libération. Je suis bien plus libre qu’au sein de la nouvelle, qui s’est révélée une excellente école d’écriture, mais jusqu’à maintenant, je ne m’étais pas aperçue à quel point elle était contraignante. Et là, d’un coup, je voyage sous des cieux grand ouverts, aux horizons vastes et éloignés. J’écris en laissant mon écriture me mener. C’est assez inédit, du moins dans ces proportions. C’est grisant.
Le truc c’est qu’il n’y aucun sens prédéfini, ni aucun de sûr. C’est peut-être ça qui fait la réelle beauté de toutes ces histoires, suspendues, dérivant dans le temps, touchant à l’universel sans qu’on sache pour autant pourquoi exactement elles nous bouleversent.

Le sentiment de se vider jusqu’à la dernière goutte. Et de continuer à agiter la bouteille. Est-ce que le flot est vraiment tari ? J’ai toujours du mal à en être certaine. Je continue à me sentir habitée. Mais cela peut continuer. Ce qui cesse, c’est le flot des mots. C’est là que tout s’arrête, et que je dois lâcher à regret. Car les mots ont à peine à rattraper la sensibilité, peinent à décrire ses profondeurs, et l’esprit lui-même peine à synthétiser l’entièreté de ce qui lui brouille la vue.

J’ai vraiment l’impression de l’avoir en moi, ce livre. Et tous les autres à venir. Cette impression quasiment de voir au-delà de mes perceptions habituelles. De percevoir, à travers le temps, comme si son aspect linéaire n’était qu’une partie de sa réalité.

Je réussis enfin à écrire parce que j’ai cessé de discourir. Discourir, c’est intellectualiser. Il y a une autre manière de parler. En ce moment, quand j’écris, je n’ai pas l’impression de construire un raisonnement, de manier des idées selon un montage artificiel. Car le raisonnement philosophique est un jeu, il est d’ailleurs assez amusant. Mais ce n’est qu’un jeu. J’arrive à parler sans discourir. Et du coup, je me découvre soudain bien plus de choses à dire. Discourir, c’est extraire a posteriori le sens. Écrire, c’est le découvrir à mesure que l’on parle.


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